Anouhk est installée à la Nouvelle-Orléans depuis sept ans désormais, depuis que le clan originel est arrivé en ville en 2008. Jamais venue dans cette ville auparavant, Anouhk s'y est attachée et elle a apprécié que sa famille en prenne le commandement. Après tout, qui pourrait s'élever contre eux ? Désormais, il s'agit de leur royaume, et elle y règne comme la petite princesse capricieuse et joueuse qu'elle est. Elle s'y trouve bien, et compte faire en sorte que leurs années ici durent un long moment.

Elle est rapidement tombée amoureuse de la ville. Elle a une ambiance électrisante, ce petit quelque chose de magique. De spécial. D'unique. Ses différentes communautés surnaturelles en sont la preuve même. Avec la Nouvelle-Orléans, Anouhk a trouvé un nouveau terrain de jeu... et de chasse. De nouvelles proies, de nouveaux jouets. Cette ville pimente sa vie, elle qui commençait à se lasser d'une certaine monotonie dans la dizaine d'années avant de venir s'installer ici. C'est un nouvel amusement, et Anouhk l'apprécie à sa juste valeur.

Les guerres, elle en a connu de nombreuses. Toutes plus destructrices les unes que les autres. Mais cela ne cesse de l'amuser. Après tout, elle y a toujours trouvé de jolis petits soldats prêts à lui obéir au doigt et à l’œil (pas qu'elle ne leur laissait un réel choix après tout). Celle-ci n'y fait exception. Encore plus alors qu'elle la concerne directement, concerne sa famille. Anouhk est largement cette guerre, que ce soit parce que c'est un nouvel amusement, mais surtout car cela va leur permettre d'assouvir leur pouvoir sur ces créatures insipides qui pensent avoir la possibilité de se révolter.

Au clan familial, évidemment. Bien sûr, ils ne sont pas une vraie famille, pas au sens littéral du terme. Le même sang ne coule pas dans leurs veines, excepté pour Viktor et elle. Mais après mille cent vingt-et-une années de vie ensemble, elle ne peut trouver d'autres mots pour les qualifier. Et Anouhk toujours tout, absolument tout, ce qui est dans en son pouvoir pour supporter et protéger sa famille. On ne touche pas aux Originaux sans conséquence.

Mille cent vingt-et-une années. Cela fait d'elle l'un des êtres les plus vieux au monde, elle le sait. Transformée par une sorcière suite à un massacre, elle a immédiatement accepté sa particularité. Plus de mille ans qu'elle parcoure la terre et Anouhk ne se lasse pas. Oh bien évidemment, parfois elle trouve sa vie banale ou monotone. Après mille ans, il arrive d'avoir la sensation qu'on a fait le tour des choses. Mais rien qu'un petit bain de sang ou une partie de jambes en l'air ne puisse résoudre.

La mémoire excellente des vampires est parfois un avantage. Ou un désavantage, selon les souvenirs. Anouhk ne peut poser le mot exact concernant sa vie avant sa transformation. L'abandon de sa mère, elle s'en souvient parfaitement. Elle ne l'a jamais connue, morte en les mettant au monde. Mais elle les a laissés dans un monde trop noir pour eux, Viktor et Anouhk, deux enfants aux prises avec le diable. Un père pédophile, violent, abusif. Elle ne compte plus les sévices qu'elle a subi. Mais Viktor et elle ont réussi à se débarrasser de lui, à se venger, à le tuer. Ils ont été plus forts, et ont finalement été libres. Et si ces souvenirs sont douloureux à se remémorer, Anouhk n'a qu'à penser à Viktor. Son jumeau, sa moitié. Elle sait que beaucoup ne comprennent pas leur relation, ce lien éternel qui les unit. Pour lui, elle chérira à jamais ces souvenirs en tant qu'humaine. Ces nuits où il venait la réconforter dans son lit, où il venait sécher ses larmes. Ces nuits où ils apprirent à se connaître à la perfection, où ils se lièrent dans le désir le plus brûlant. Elle l'aime, comme son frère, son amant, son amour, son tout. Et pour lui, elle aimera toujours sa vie comme humaine.

Anouhk a appris à embrasser sa nouvelle nature, à l'accepter entièrement. Elle aime son vampirisme, elle aime qui elle est, elle aime le pouvoir qui coule dans ses veines, elle aime ses sensations de désir que lui offrent l'envie de sang. Elle aime être vampire, elle embrasse l'être qu'elle est. Pour elle, être vampire est une bénédiction, un véritable don qu'on lui a offert. Et dont elle profite à sa plénitude.

Selon ses envies. Mais oui, Anouhk a un parfait contrôle de sa soif. La moindre goutte de sang ne provoque aucun sursaut chez elle, aucune soif animale et meurtrière qui lui ferait perdre le contrôle. Plus de mille années dans cette condition aident grandement. Elle ressent la soif, mais elle la contrôle, la retient. Si elle est d'humeur joueuse, elle la laisse sortir, elle se laisse aller à dévorer quiconque se trouvera sur son passage. Si elle sait que cela pourra créer un problème, elle se retient et agit aussi naturellement qu'une humaine.

Le... sang animal ? Quelle aberration est-ce là ? Y a-t-il réellement des vampires assez stupides pour se nourrir de sang animal ? Cela dépasse Anouhk. Elle a toujours aimé et aimera toujours le sang humain. Et la majeure partie du temps, à la source même. Parfois, si cela est nécessaire, elle se nourrira à partir de poches de sang dans l'hôpital le plus proche. Mais rien ne vaut une veine battante et chaude. Elle préfère largement se servir à même un humain, et lui faire oublier ce petit écart ensuite, ou en faire sa source pour un temps, ou le tuer simplement. Rien de mieux qu'une jolie petite proie rien que pour son envie.

Allongée lascivement sur son lit, Anouhk observait la jolie créature rousse présente à ses côtés, le regard encore vitreux de ce qu’elle lui avait fait ressentir précédemment. Un sourire coquin aux lèvres, la vampire vint caresser tendrement les longs cheveux roux, avant de glisser sa main le long du dos pâle qui s’offrait à elle. Se léchant les lèvres, elle jeta un dernier regard satisfait à la demoiselle, avant de se lever de son lit, sa nudité glorieusement exposée sans aucune honte. D’un geste habituel, elle se dirigea vers la commode à l’opposé de la pièce. Elle en sortit une bouteille de bourbon et se servit un verre, dont elle se délecta. Rien de mieux qu’un bon alcool après une partie de jambes en l’air.

« C’est étrange… » Anouhk se retourna vers la jeune femme toujours dans son lit, arquant un sourcil interrogateur. « Je veux dire, tu as plus de mille ans et tu ne les fais absolument pas… quand on te voit comme ça, on ne dirait pas. » Un rire amusé passa les lèvres de l’Originelle alors qu’elle finissait son verre. Rassasiée pour le moment, elle retourna s’assoir dans le lit aux côtés de la voluptueuse créature. « L’avantage de l’immortalité, darling. » « Mille ans comme vampire… n’est-ce pas long ? Tu ne regrettes pas ton humanité parfois ? »

Anouhk éclata de rire, ne pouvant s’en empêcher, tombant en arrière sur les oreillers moelleux. « Regretter, quelle idée ! Non darling, je ne regrette absolument rien. » S’installant confortablement, la tête appuyée sur sa main, son regard se perdit sur le miroir mural qui s’offrait à son regard. « Viktor - mon frère jumeau – et moi sommes nées il y a plus d’un millénaire de cela. Le petit village scandinave où on a vu le jour a disparu depuis lors, mais cela n’a pas réellement d’importance. Ce n’est pas comme si je voudrais y retourner. Vois-tu, notre mère est morte en couche. Comme toutes les femmes Vikings, elle était solide, mais pas immortelle. Notre… géniteur était un guerrier au service du jarl du coin. Petits, mon frère et moi admirions sa force, sa grandeur, sa puissance. » Un rictus vint recouvrir ses lèvres, alors que les souvenirs affluaient en elle. « Ce fut le cas jusqu’à ce que nous atteignons l’âge de huit ans. Nous avons alors découvert l’autre côté de cet homme. De ce porc, de ce monstre. Il aimait les jeunes enfants. Il aimait… jouer avec eux. Quoi de mieux pour lui que d’avoir deux petits à portée de main, rien qu’à lui, pour lesquels personne ne poserait de questions ? Je ne compte plus le nombre de fois où il nous a touchés… souillés. Bâtard du nord. Quand Viktor et moi avons eu quine ans, quand la force a commencé à couleur dans nos corps, quand une nuit en particulier il nous avait annoncé amener un ami le lendemain, pour qu’il « s’amuse aussi »… nous n’avons pas hésité. Nous savions que c’était lui, ou nous. J’ai saisi ce couteau dans ma main, tremblante mais si sûre de moi. Le premier coup fut effrayant, le deuxième fut libérateur. Coup après coup, nous avons effacé l’existence de ce porc sur terre. »

Un rire amusé sortit à nouveau de sa gorge, le souvenir de ce premier bain de sang encore frais dans son esprit. Elle n’était pas cette fille libertine et délurée à l’époque, elle n’était pas aussi dangereuse au début de sa vie. Mais elle s’était battue pour sa vie, sans aucune once d’hésitation. Se levant, elle se dirigea vers sa commode, sortant une paire de fine lingerie en dentelle blanche. Alors qu’elle l’enfilait, elle reprit la parole, loin d’avoir terminé son histoire. « Le sang avait déjà, à l’époque, un appel hypnotisant. Cette nuit-là, mon frère m’a jurée l’éternité ensemble. Cette nuit-là, j’ai scellé notre lien unique d’un baiser. Et tellement plus. Il m’a serrée dans ses bras, il a épousé mes courbes… il m’a aimée comme personne ne m’a jamais aimée. Nous avons fui ensuite. Nous avions tout juste quinze ans et nous avons tout fait pour survivre. De petit boulot en petit boulot, de village en village. Nous avons fini par arriver à Tula. Nous avons appris les histoires, nous avons été informés de ce qu’il s’y passait. Des loups, des créatures mystiques et dangereuses. J’ai assisté au massacre cette nuit-là. Mon deuxième bain de sang. Les loups, sauvages et monstrueux. Les pauvres innocents qui criaient à l’aide, les hurlements de mort. Mon corps serré contre celui de Viktor. Au matin, nous n’étions plus que six. Ceux que je considère aujourd’hui et Selena, la sorcière. Elle avait perdu son fils, souhaitait se venger. Elle nous a alors attrapés, nous a tués, nous a transformés. Oh si tu savais… »

Anouhk ouvrit délicatement l’armoire en chêne taillé juste à côté d’elle, observant d’un œil critique les tenues qui s’y trouvaient. Seulement les dernières achetées, la centaine d’autres se trouvaient dans une pièce à côté lui servant de dressing. Bourbon Orléans était une immense villa que les Originaux avaient investie alors qu’ils étaient arrivés à la Nouvelle Orléans. Anouhk adorait cette demeure, tout en elle respirait la puissance, la richesse, un autre temps électrisant. D’une moue pensive, elle sélectionna une courte robe blanche aux motifs floraux incrustés en dentelle. Elle l’enfila délicatement, ne souhaitant pas l’abîmer alors qu’elle venait tout juste de l’acquérir. « Nous avons poursuivi les loups, nous les avons chassés et exterminés. Puis nous sommes revenus à Selena, mais nous n’étions pas stupides. Nous savions qu’elle se débarrasserait de nous, une fois que nous n’étions plus nécessaires. Alors nous l’avons tuée. Puis nous l’avons brûlée, nous débarrassant définitivement d’elle. Et nous avons commencé notre réelle vie. Mille années à arpenter la terre. A découvrir, à apprendre, à connaître. Mille années à se rassasier sur de jolies petites créatures comme toi. Mais heureusement que je ne les fais pas physiquement ! Comment pourrais-je m’amuser sinon ? J’aurais éternellement vingt-trois ans et je ne peux que m’en réjouir. »

Se passant une langue sur les lèvres, faisant passer la légère sécheresse qui les avait recouvertes en parlant aussi longtemps, Anouhk alla attraper les bijoux qu’elle avait mis de côté auparavant. Jugeant son physique d’un œil critique, elle se maquilla consciencieusement, laissant la petite créature dans son lit digérer ce qu’elle avait appris. Passant une main dans ses cheveux, elle décida de les laisser sauvages, cela lui donnait un air sexy. Satisfaite, elle alla attraper la paire d’escarpins, aussi blancs que le reste, qu’elle n’avait pas eu le courage de ranger après ses derniers achats. Fin prête, elle fit signe à la jolie rousse de venir la rejoindre, ce à quoi la demoiselle obtempéra sans attendre. D’un regard gourmand, Anouhk l’observa venir la rejoindre, toujours aussi nue. Elle glissa ses mains sur ses hanches, collant à nouveau le corps contre elle, se demandant finalement si elle n’allait pas finalement rester pour un énième tour dans son lit. « Hmm… j’ai une autre question. Des choses qui se disent… » Toute ouïe, Anouhk l’observa et acquiesça, l’incitant à continuer. « Il se dit que… Viktor, ton jumeau et toi, vous avez une… relation. Plus que fraternelle. Ce… enfin… n’est-ce pas un peu… malsain ? C’est totalement bizarre et anormal, même pour un vampire. »

Le cœur d’Anouhk manqua un battement. Une veine vibra sur sa tempe, ses pupilles se rétrécirent immédiatement. « Malsain, tu dis ? » En un battement de cils, son regard devint noir, ses veines apparurent sous ses yeux et ses crocs s’allongèrent dans sa bouche. Sans que l’humaine ne puisse le réaliser, Anouhk s’attaqua à son cou, drainant le sang qui s’y trainait, se moquant du corps qui tremblait entre ses bras. Soudainement lassée de la rousse, la vampire lâcha les hanches qu’elle serrait violemment pour venir briser la nuque d’où elle se nourrissait. Le corps tomba à ses pieds, sans vie, les yeux ouverts sous l’agonie dans ses dernières secondes. « Bitch. » Plongeant la main dans sa pochette, Anouhk sortit un mouchoir en tissus qu’elle utilisa pour nettoyer délicatement sa bouche, avant de le laisser tomber sur le corps désormais bien pâle. Constatant, avec satisfaction, qu’aucune goûte de sang n’était venue tâcher sa tenue, Anouhk enjamba le corps et sortit de sa chambre. Faisant signe à l’un des petits serviteurs somnambules, afin qu’il se débarrasse du corps inutile dans sa chambre, elle sortit de Bourbon Orléans un sourire malicieux aux lèvres, prête à s’amuser pour la nuit.